Cambodge. Le trey amok, le plat d’enfance de Chakrya Thach

Un plat, un.e chef.fe
Isabelle Ambregna - 16 mars 2021

Passée par Berlin et les cuisines lyonnaises de Jean-Yves Carpentier, la cheffe Chakrya Thach, 40 ans, fait honneur au Cambodge avec son trey amok, un plat hérité d'une recette de sa mère. Des parfums de citronnelle, de galanga, de coco émanent de ce petit panier servi avec du riz jasmin, glissé dans une feuille de bananier. Bon voyage !

Isabelle Ambregna

C’est un petit lieu bohème sans prétention où l’on sert une cuisine du cœur. La Tuk Tuk Gallery rappelle les cyclo-pousses du Cambodge, la terre familiale de  Chakrya, et abrite les œuvres de sa moitié, l’artiste Stephan Tedone. Si elle n'y a pas vécu, Chakrya, née à Herbeys près de Grenoble, fait souffler dans sa petite cantine, tous ses parfums, toute sa culture, et toute son enfance. Avec ce trey amok en particulier qui rejaillit de ses souvenirs et vous transporte tout droit chez elle, avec les siens. À 8 ans, c’est le premier plat qu’elle prépare avec sa sœur et sa mère, qui officiait comme cheffe au restaurant Le Philong à Grenoble, rue Turenne (aujourd’hui L’Auguste). Ce trey amok et la passion de sa mère lui ont donné l'envie de devenir cheffe à son tour. Elle en a gardé la mémoire des ingrédients et des gestes, précis, pour composer le kroeung, cette petite préparation parfumée à base de rhizomes (curcuma, galanga), de feuilles de citronnier (kombawa) et de citronnelle fraîche. Qu'elle hache menu, en toutes fines lamelles, pile au mortier, mélange à un beau dos de cabillaud découpé en petits dés. Arrose le tout de nuoc-nam et de lait de coco (ou de crème de coco, dit-elle, c’est encore mieux), ajoute un œuf battu, et glisse ce mélange parfumé dans un ramequin, tapissé d’une feuille de bananier. 

Le ramequin ressemble à un nid parfumé. Elle le passe au four, à 220°, une vingtaine de minutes. Le sert avec du riz jasmin. On a piqué chaque bouchée avec une baguette, puis on troqué la baguette pour une cuillère pour racler, racler encore afin de cueillir le parfum herbacé de la feuille de bananier… et profiter du voyage, les yeux fermés, chez nous (le plat, pour l'instant, est à emporter), et bientôt de nouveau à la Tuk Tuk Gallery, dans la bien nommée rue Doudart de Lagrée, explorateur dauphinois et diplomate auprès du Roi du Cambodge. La cheffe – passée par les cuisines lyonnaises de Jean-Yves Carpentier et de Patrick Mehu, et à Berlin - fait (aussi) danser un savoureux pad thaï (servi, dit-elle, en Asie par des lady boy) et un bœuf hoc lac, relevé du poivre de kampot, comme le faisait son père. Et vous dépose sur les bords du Mékong avec ses beignets de banane plantain, son dessert d'enfance.   

 

 

-- Au Cambodge et en Thaïlande, "trey amok" signifie "poisson" (trey) "enveloppé" et "cuit à la vapeur" (amok). On peut remplacer le poisson (cabillaud, lieu noir, filet de julienne, le choisir ferme et à chair blanche) par un filet de poulet ou du tofu. Les rhizomes et les feuilles de citronnier se conservent au congélateur.

 

Tuk Tuk Gallery, 10, rue Doudart de Lagrée, 38000 Grenoble. Tél. : 06 35 79 20 72. Plats à emporter, entre 8,90 € et 16,90 €. Pad thaï et Bobún déclinés  en formule vegan. Desserts : 5,90 € et 7,50 €.

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